- DUCCIO DI BUONINSEGNA
- DUCCIO DI BUONINSEGNALe Siennois Duccio di Buoninsegna fut, avec Giotto son contemporain, l’un de ces esprits novateurs à qui la peinture italienne doit son affranchissement de la tradition byzantine alors décadente. Héritier conscient d’une civilisation figurative que l’usure des siècles lui transmettait sous la forme d’un répertoire iconographique et expressif figé, il effectua sa révolution dans les limites mêmes de celui-ci. Il redécouvrit la signification originelle et poétique d’un langage artistique qu’il recréa personnellement, l’enrichissant de son expérience et le reliant aux formes nouvelles de la culture occidentale.Duccio et CimabueDuccio est sans doute l’un des artistes du Moyen Âge sur lequel on est le mieux renseigné, grâce à un nombre exceptionnel de documents concernant sa vie et sa carrière. Cependant, la reconstitution de son activité jusqu’à l’exécution de la célèbre Maestà de la cathédrale de Sienne pose des problèmes critiques qui n’ont pas encore reçu de solution définitive. Sa personnalité fut, en effet, si originale à Sienne, à une époque où la peinture sortait difficilement, dans cette ville, des limites étroites d’une routine artisanale, qu’il s’imposa vraisemblablement dès ses premières œuvres, provoquant ainsi la naissance précoce d’une école. Et si l’existence d’un style «duccesque» est attestée à partir de 1285 environ à Sienne, le seul critère pour reconnaître la main du maître est celui de l’évaluation qualitative, critère toujours délicat et sujet à discussion. Il est significatif, à ce propos, que certaines œuvres recueillies sous le nom de «Maître de Badia à Isola», peintre anonyme généralement considéré comme son élève, aient été attribuées au jeune Duccio. En outre, la formation de l’artiste reste, en dépit d’innombrables recherches et hypothèses, obscure en de nombreux points. Son apprentissage, vraisemblablement chez Guido, peintre siennois au métier raffiné mais archaïque et dans lequel se reconnaissait la génération précédente, ne peut expliquer à lui seul l’épanouissement de son génie. L’ampleur de la culture de Duccio qu’attestent la Maestà et les œuvres antérieures qui lui sont attribuées indique d’ailleurs que son intérêt s’était porté au-delà des frontières de la tradition locale. Encore plus que la connaissance du néo-classicisme byzantin, tentative de renouvellement que la peinture byzantine accomplissait en revenant à ses sources hellénistiques, il faut sans doute considérer comme fondamentales dans la formation de Duccio les relations qu’il eut avec Cimabue. Que l’on accepte ou non l’hypothèse d’un rapport entre maître et élève entre les deux artistes et une éventuelle participation de Duccio aux fresques de l’église supérieure d’Assise, l’influence du Florentin sur le jeune Siennois devient un fait indéniable alors même que l’on consent à reconnaître dans la Madone Rucellai (Florence, Santa Maria Novella) le tableau dont un document nous apprend que les Florentins le commandèrent à Duccio en 1285. Attribuée jadis à Cimabue, dont elle emprunte strictement la composition, la typologie des visages et la technique picturale, cette Madone appartient en réalité à un monde spirituel différent, plus délicat et plus raffiné, plus sensible aux effets chromatiques et linéaires, plus attentif à la valeur affective des gestes et des rapports entre les personnages; la Madone Rucellai semble anticiper directement la poésie tendre et aristocratique de la Maestà.À ce tableau, qui révèle les attaches culturelles de Duccio en même temps qu’il donne la mesure de son originalité déjà pleinement définie, on a associé d’autres œuvres, telles que la Madone de Crevole (Sienne, musée de l’Œuvre de la cathédrale), légèrement antérieure, et le vitrail du chœur de la cathédrale de Sienne, de 1288, qui sont encore proches de Cimabue; la Vierge des Franciscains (Sienne, Pinacothèque) et d’autres panneaux conservés aux musées de Berne, Pérouse, Bruxelles et Londres (d’attribution discutée) marquent au contraire une évolution très personnelle vers le gothique, déterminée sans doute par les sculptures de Giovanni Pisano et par la connaissance de miniatures et des ivoires français. La ligne, fluide et animée, devient protagoniste de la composition, définit l’image et articule les formes en larges rythmes.La «Maest໫Mater Sancta Dei – Sis causa Senis requiei – Sis Ducio vita – Te quia depinxit ita » («Sainte Mère de Dieu, donne la paix à Sienne et la vie à Duccio qui t’a peinte ainsi»). De cette prière le peintre signa la Maestà destinée à la cathédrale de Sienne; commencée en 1308, elle fut transportée en 1311 de l’atelier du peintre au maître-autel de l’église, au cours d’une cérémonie solennelle et au milieu de la liesse populaire. Conçue pour s’intégrer aux structures architecturales qui devaient l’accueillir, elle était peinte sur les deux faces: sur la face antérieure était représentée la Vierge avec l’Enfant parmi un chœur d’anges et de saints, de l’autre côté on voyait les scènes de la Passion. Elle était complétée par une prédelle illustrant l’enfance et la vie publique du Christ et par un couronnement dont la reconstitution est problématique. L’œuvre a été en effet sciée par le milieu et démembrée à la fin du XVIIIe siècle; elle est conservée actuellement au musée de l’Œuvre de la cathédrale, mais quelques panneaux de la prédelle et du couronnement sont dispersés dans les collections d’Europe et d’Amérique ou perdus. L’importance attribuée à l’événement, l’enthousiasme populaire où le sentiment religieux se mêlait à l’admiration pour le chef-d’œuvre, révèlent, mieux que tout autre commentaire, la perspective historique dans laquelle se situe l’art de Duccio parvenu à sa pleine maturité. Si l’acceptation publique et officielle d’un langage nouveau fut si totale et si immédiate, c’est parce qu’elle se fit dans le respect d’une tradition trop enracinée pour être brutalement reniée. De l’art byzantin, Duccio conserve les schémas iconographiques et un certain nombre de formules figuratives, mais il ressuscite le caractère évocateur des premiers, change ou précise la fonction des secondes, dans une recherche consciente de définition stylistique. Ainsi, dans le tableau de la Vierge de majesté , la répétition de visages semblables permet d’évoquer la foule en adoration dans son anonymat extatique, alors que la valeur rythmique des gestes et des attitudes, la rigoureuse ordonnance des nimbes, les contours sinueux des draperies donnent une unité formelle à la juxtaposition des personnages. Dans les scènes de la Passion, le symbolisme conventionnel des thèmes sacrés se fond miraculeusement avec la participation émotive de l’artiste aux événements racontés et suscite une atmosphère lyrique dans laquelle chaque élément de la représentation évoque une dimension à la fois humaine et surnaturelle, qui précise et commente la situation spirituelle des protagonistes. La prédelle et le couronnement, exécutés en dernier, témoignent d’une évolution vers des formes plus grandioses et d’une certaine recherche plastique qui indique une réaction à l’enseignement de Giotto. Avec le retable no 47 de la Pinacothèque de Sienne, d’attribution toutefois incertaine, se conclut l’activité de Duccio, qui eut de nombreux élèves, tels Ugolino di Nerio, le Maître de Città di Castello, Segna di Bonaventura. Mais son influence s’exerce sur plus d’une génération, car il fonda à Sienne une nouvelle tradition picturale qui allait jouer, pendant plus d’un siècle, un rôle de premier plan dans l’histoire de la peinture européenne.Duccio di Buoninsegna(v. 1260 - 1319) peintre italien. Il passa du style byzantin au style gothique: retable de la Vierge (Maestà, 1311).
Encyclopédie Universelle. 2012.